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Ecran blanc.

Sur la croisette chaque jour voit sa nouvelle coqueluche, les festivaliers avides d’une nouveauté, chassent la précédente. Il restera bien sûr l’un de ces films, avec sa palme d’or , dont le public fera son succès. Peut être. Il en va de même de l’actualité et ce jour il était bien difficile de repérer le petit encart sur les intermittents. Titré « les syndicats satisfaits ».

Ainsi soit-il, à Marseille on se réveille avec la défaite de l’OM, les rues nettoyées des débris de l’émeute des minots, on déplore ce qu’on appelle le gâchis. Je ne puis m’empêcher de faire une comparaison entre ces actes de quasi enfants, exprimant comme c’est possible un malaise profond, et ce que l’on voit dans ce festival: une mise en scène permanente de l’image du monde, de ses injustices, de sa violence. Laissant croire que le spectaculaire est la seule alternative que nous aurions pour être entendus.

Que dit l’afp de ce jour?:
« De Sarajevo à l'Afghanistan en passant par le Moyen-Orient, les écrans de Cannes font l'écho des bruits et de la fureur du monde, transformant le ghetto du Festival en une tribune contre George Bush et la politique américaine »

On croirait presque que ce festival et son lot de majors riches et américaines, dont le but unique est de gagner de l’argent, soutiendraient le mouvement altermondialiste et seraient du côté des révoltés. Comme sur la croisette les minots de la Canebière nous font du cinéma, c’est par l’image qu’ils nous révèlent leurs révoltes et c’est aussi une image de l’ordre qui est visée lorsque les pompiers prennent des canettes sur la gueule, c’est justement ce que l’on apprend de la pratique des médias : faire image, être synthétique, accepter disparaître dès le lendemain faute de ne savoir inventer d'autres images.

On dit "sage comme une image".

Les intermittents (nous) vivent cela. A Cannes bien plus qu’ailleurs le baisser de rideau est radical. Le ministre à sauvé la maternité des artistes. Que s’est-il passé de ce côté de la croisette, nous n’en saurons rien par la lecture des journaux.

Déjà les négociateurs fourbissent leurs armes, l’acte deux est lancé : refaire notre régime, chacun a sa solution. Il ne sera de fin qu’un compromis. On parlera de trahison.

Et si nous n’allions plus au cinéma, si nous ne regardions plus la télé. Ceux lucides qui ont écrit ce que l’on dit être « le nouveau modèle », les recalculés qui ont fait un procès à l’Unedic pour rupture de contrat, les chercheurs qui écrivent une loi de programmation devraient faire réfléchir celui qui a déclaré que Cannes n’était pas le temps des forums mais celui des actions. Car les actes sont peut être médiatiques, mais peu restent. Alors que prendre en mains, collectivement ses affaires c’est probablement exister aussi hors du terrain de l’éphémère, là ou précisément Cannes ne nous attendait pas.

N’étant pas invité au Bunker/escaliers/palace j’irai voir le palmarès sur la canebière, sur écran géant et en direct. Je crois savoir qui va gagner, j’ai mon pronostic et je ne le garderai pas secret : la palme d’or ira au producteur et si par hasard ce n’était pas un producteur riche il le deviendra. C’est comme un conte de fées, la croisette est un compte de fées.

Le 21 Mai 2004, Jacques Bonnot

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