chroniques ordinaires
         
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Ne restez pas anonyme !
Il y a tempête, un homme frappe à ta porte, ton toit est percé!comment peut tu espérer bien le recevoir, ne voulait-il s' abriter de la pluie? (petite histoire chinoise, évidement)


C’est l’été, donc on mange et on boit en terrasse, on sort pas trop habillé, les filles sont jolies. Marseille mange et boit en terrasse et les femmes jolies de Marseille y sont attablées avec leurs robes légères et des hommes jolis et vêtus de costumes beige lin. Petit resto pas cher à côté d’un autre resto cher et ainsi de suite, bateaux de l’autre côté. Assis une femme et un homme, assis plus loin un ado, c’est le fils de la femme (je le sais) elle lui laisse un billet, comme ça il pourra commander et payer (c’est moi qui déduit). Un taxi s’arrête et sortent deux petites filles, ce sont les filles de la femme car elles viennent lui parler (je crois) la mère désigne le frère (je suppose) et les deux gamines courent vers lui, petit dialogue, il leur donne le billet et elles repartent payer le taxi. Retour vers la mère et elles lui rendent la monnaie et vont s’attabler avec leur frère qui n'a donc plus de billet. Qui, selon vous, va payer l’addition de la femme et de l’homme, de l’ado et des deux petites filles ?

Visite, avant le resto kebab, de l’expo chez Roger Pailhas, il ne reste presque plus rien d’Art dealers. Mais j’y suis pour voir les pièces de Ingrid Mourreau. Il reste encore ça. La maquette clinique au vrai sens du terme, les grands dessins et la bande dessinée des aventures SVM. Une femme, la parole et le silence. Je ne dis que ça : allez y pendant qu’il est encore temps, c’est vraiment bien [*]. Désolé pour les deux autres artistes, je n’ai pas regardé, ce n’est pas par manque d’intérêt, simplement j’étais over booké ce jour. Une autre fois.

Ingrid M. laissez moi votre mail, pour que je vous en dise +, SVP.
Bon on ne devrait pas mettre des messages perso dans une chronique mais je n’ai pas le choix. Ça n’a rien à voir avec le message perso mais ce matin il n’y a que 11 petites lignes de trois mots chacune sur les massacres du Darfour dans Libération.

Le Darfour ? c’est où ? c’est une région montagneuse de l’ouest du Soudan, près du Tchad. Une guerre civile, une de plus. Je ne vais pas rentrer dans les détails, car c’est encore une histoire complexe, d’autant plus que nos médias ne sont pas trop prolixes sur la question. Mais comme ça deux trois chiffres :

  • Environ 110 000 membres des ethnies masalit et zaghawa, principalement des femmes et des enfants, ont fui les combats et se sont rassemblés au Tchad, où le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) peine à assurer leur subsistance.
  • On estime à 750 000 le nombre de membres de l' ethnie four déplacés dans l' intérieur du Darfour, regroupés dans des camps aux abords des villes de moyenne importance, à la merci des razzias meurtrières de ces mêmes Djandjawids, qui continuent de piller vivres, médicaments, vêtements et couvertures déposés à grand-peine et au compte-gouttes par les organisations humanitaires.
  • Le nombre de victimes est à peine connu.

Je n’ai fait que citer un article de Jeune Afrique, que vous pourrez lire sur le Web, lien ci-dessous. Ça va vous faire penser que je passe du coq à l’âne, mais après le problème du haut, voici une question : Savez vous pourquoi les ambulances ont une sirène si puissante ? là je réponds au hasard à ma question : par ce que ça nous assourdit, et que les sourds n’entendent pas les cris de souffrance du blessé, c’est comme ça les sirènes sont là aussi pour nous donner une impression de quiétude, on s’occupe bien de nous…

Souvent j’essaie de mettre un visage sur ces gens massacrés, mais ce n’est que du sang numérique, que des cris de douleurs télévisuelles. Dans dix ans on nous dira : nous vous l’avions dit, mais personne ne s’en est inquiété, c’était un génocide. Évidement 11 petites lignes de trois mots chacune sur les massacres du Darfour, ça me touche ; mais je ne sais qui est derrière cette souffrance, même les images violentes sur l’atteinte aux civils dans tous les conflits, ces images qui s’invitent entre le pastaga, le fromage et la pub, même ces images laissent souvent perplexe, (vaguement) remué mais sans voix, une révolte presque impuissante.

Il fait un soleil magnifique à Marseille, au Darfour et ailleurs, sur les lieux d’ exodes, ce soleil doit être magnifiquement terrifiant, là bas, ajoutés sur la misère des éxilés de ces guerres, le soleil et la pluie deviennent des catastrophes. Le génocide, comment se représenter cette ignominie, avec la pluie froide, avec le soleil trop brûlant?

Les deux grands dessins que j’ai vu ce matin (la guerre des sexes et l' autre) regardés dans le contexte de cette lecture d'actualité, me laissent entrevoir un autre axe de compréhension, d’une image on fait souvent une extrapolation, la mienne serait de ressentir encore plus fort cette violence qui est faite aux autres; peut être que l' art sert aussi à cela?

Quand je vais au spectacle et que de temps à autre mes pensées s'envolent, alors je me dis que ce spectacle est vraiment bon.

Il n'y avait personne ce matin dans la galerie, ça fait contraste avec les rues bien pleines, les magasins bien pleins, les cafés aussi. l' art n' est pas bien plein et l' artiste y joue un rôle bien difficile, il navigue entre ses émotions et le marketing. Entre ses convictions et la place (petite) qu' il doit tenir. S' il dénonce c' est comme les ambulances (les sirènes) malgré lui c' est pour rassurer les autres, toujours de biais, pas frontal, c'est le rôle qui lui est assigné, chacun son job. Survivre, pour un artiste, c' est peut être vendre, mais c' est surtout se montrer au public, sans ça il n'y a rien, pas d' artiste.

Cet artiste sans public est anonyme, l'artiste reconnu l'est-il moins? et ne serait-il qu'un fou du roi? Aurait-il une voix, serait-elle audible? choisit-il l'angle de vue? On doit réfléchir à cela.. car pendant l'exposition, la guerre continue.

Jacques Bonnot, 23 Juin 2004.

PS: sur le Darfour [lire Jeune Afrique] et galerie Gérard Pailhas, 22 quai Rive Neuve, Marseille 7


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